Hésitante, elle poussa la porte des quartiers qu'on lui avait désignés comme étant désormais les leurs.
Elle n'était pas sure d'apprécier tout ce luxe, après l'austérité des derniers mois. Elle avait pris l'habitude de dormir à l'infirmerie, pendant que son époux arpentait les routes ou passait son temps dans son bureau.
La pièce était vide.
Un verre à moitié plein sur un guéridon, un feu moribond dans la cheminée témoignaient seuls du passage de Lord dans la pièce.
Tout le reste était parfaitement ordonné. Les meubles avaient été choisis avec soins, dans le style sobre des meubles provençaux. Fonctionnels, sans fioritures et terriblement impersonnel.
Shantti fit lentement le tour de la pièce, ramassant le verre au passage et s'humectant les lèvres au vin aigrelet. Elle fit la grimace et reposa le gobelet. Pas étonnant que Lord ne l'ai pas terminé.
Un page l'interrompit dans son exploration, poussant une brouette.
- Sergent, voilà ce que vous m'avez demandé.
- Ah... merci. Vous pouvez disposer, je vais m'en arranger.
Le page sorti, elle commença par prendre le petit reliquaire peint, dernier présent de son époux et elle le disposa sur une commode bien en vue près de la fenêtre.
Ensuite, un grand panier en bouleau trouva sa place devant la cheminée. Ce panier était un des rares objets que Lord avait conservé de sa vie de marin. Il l'avait donné à Shantti pour transporter Hadwin, quand celui ci était bébé.
La fidèle hache était là également. Ne sachant trop quoi en faire, elle l'appuya sur le mur, se remémorant qu'elle lui devait la vie. A ce souvenir, elle frotta inconsciemment son bras, là où une grande cicatrice était si visible sur sa peau brune. Fugassement, elle revivait cette scène dans la foret de Forcalquier. La nuit, l'obscurité, une bataille. Quelqu'un qui l'attrape et le sifflement de la hache à ses oreilles, suivi d'un coup sourd et d'un choc. Quand elle s'était réveillée, Lord la tenait contre lui. Lui aussi avait été blessé cette nuit là. Leur sang s'étaient mêlés dans cette curieuse étreinte, les unissant plus surement que toutes les cérémonies qui avaient suivies.
Avec un sourire, elle reprit sa tâche.
Quelques frusques, dont sa robe de bohémienne trouveraient place dans le coffre de leur chambre.
2 chevaux en bois sculptés, ayant appartenu aux garçons seraient posés sur le manteau de la cheminée.
Voilà, la pièce était à présent plus chaleureuse et personnelle.
A quoi serviraient ces quartiers privés ?
Un sanctuaire de souvenirs poussiéreux ?
Un havre de paix au milieu d'autres aventures ?
Shantti, bien que bohémienne n'avait jamais été douée pour dire l'avenir.