Des mirmitons au court-bouillon

Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 20/04/2007

Toi là !

Attrape-le ce poulet et amène-le moi que je le chaponne.

Mais tu vas y arriver ou c'est toi que je chaponne... et à la canine en plus.

En beuglant ces quelques mots, Dame Gironde avait pu dégager ses superbes canines jaunies par le masticage d'herbes odoriférantes que l'on ne trouvait que dans les contrées aux alentours de Bradenburg. Ses babines retroussées, elle regarda le jeune page qui venait déjà de passer plusieurs minutes à tourner en rond autour de la table.

Un regard empli de terreur, le page accéléra le pas et dans une dernière extension, dont seuls les joueurs de soûle avaient le secret, il mis la main sur le cou du poulet.
Au même moment Dame Gironde, dont les doigts boudinés par l'eau sale de lavage, le sel des jambons préparés pour le Baron Cochon et la chaleur des fours, agrippa la gorge du jeune page. A moitié estouffé par le joug manuel de la cuisinière, le page, dont les yeux sortaient déjà des orbites, inspira pour relâcher quelques mots entrecoupés.

Ahhhh Grhhhhhhh ! Maishhhhhhhhhh, je l'aihhhhhhhhhhhhhhh !

Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 20/04/2007

Le jeune page était en train de passer un très mauvais moment. Ses pommettes s'empourpraient et les yeux injectés de sang prenaient un air vitreux. Il commençait à relacher son étreinte quand le douce Dame Gironde lui asséna une remarque des plus touchantes.

Hein ! Mon garçon ! C'est pas maintenant que tu vas fléchir.

Avant que le malheureux poulet ait eu le temps de vaguement penser à glisser entre les doigts moites du page, la svelte cuisinière enjamba le corps de ce dernier.

C'est dans des situations comme celle-là que la mort vous paraît douce.

Dans les deux pas qui furent nécessaire à passer sur le page, les frous-frous de pans de jupon de Dame Gironde eurent le temps de dégager les fragances des cinq derniers repas... non pas qu'ils eussent été mauvais, mais le tissu avait été le lieu de bien des combats et de guerres... intestines. Il ne sut jamais qui du poulet ou de dindon était le plus affamé car ses yeux se révulsèrent et il tomba dans les limbes l'espace d'un instant.
Salutaire et salvateur !

Sans s'occuper du jeune corps tendre étendu à ses pieds, la mégère prit le cou du poulet entre son pouce et son index. Un léger craquement se fit alors entendre... et les yeux du poulet sortirent... eux aussi de leur logement. Il aurait sûrement crié s'il n'avait pas eu les cordes vocales compressées.

Shantti souhaitait entretenir Dame Gironde de certains frais de bouche qui lui paraissaient pour le moins déplacés et elle déboula dans le réfectoire, le nez perdu dans ses parchemins.
Le spectacle qui l'y attendait la laissa pantoise.
Le bas d'un page, étendu sur le sol... le bas seulement, la partie supérieure étant ensevelie sous les multiples jupons de la cuisinière, laquelle tenait un volatile qui battait encore faiblement des ailes avant de rendre son dernier souffle.
Par tous les saints, à quelle étrange rituel se prêtait là la cuisinière ???
Shantti était une vêtérante des champs de bataille. Elle avait assisté à moults carnages et étripages mais cela ne suffisait point à amortir le choc de cette découverte.
Elle en laissa choir la pile de parchemins sur le sol, ce qui eut pour effet d'attirer l'attention de Dame Gironde sur elle, et son regard mauvais et torve. Le commandeur n'était point couarde, mais elle eut du mal à ordonner à ses jambes de rester où elles étaient. Avalant sa salive et inspirant un grand coup, elle passa à l'attaque.

- Dame Gironde ! Dois-je vous rappeler que nous nous trouvons ici dans un ordre de chevalerie et non dans un bouge infâme de la cour des miracles !
Les pages sont là pour y recevoir de l'éducation soit, mais pas CE genre d'éducation ! Veillez je vous prie cesser de chevaucher ainsi ce malheureux enfant.
Je n'ose imaginer ce que vous souhaitiez inventer avec ce volatile, mais la nourriture se respecte également , surtout si elle doit finir dans mon assiette !

La cuisinière la fusilla d'un regard mauvais. Si un simple coup d'oeil avait pu tuer, le commandeur aurait sans doute eu droit à des funérailles émouvantes. Shantti sentit un frisson d'appréhension lui grimper le long du dos, mais ne faillit pas. Toutefois, sa voix était moins ferme quand elle reprit :

- Dame Gironde, n'oubliez pas à qui vous vous adresser et lâchez ce page.... s'il vous plait ?

Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 20/04/2007

Un volatile aux aboies et un page plié en deux , tel était le spectacle qui s’offrait aux yeux du Commandeur médusé.

Dame Gironde, loin de s’offusquer de cette entrée en son antre, telle le Gros Serpent des Légendes, termina d’enjamber le pauvre page tout somnolent. Les douces effluves s’estompaient peu à peu des cavités nasales du page et c’est lorsque la mollet de biche de Dame Gironde caressa tendrement la joue de ce dernier que son cauchemar repris.

(NDLR : Ici, le terme de biche n’est pas une référence à la douceur de la fine et ferme jambe de Dame Gironde, mais bien, et c’est l’époque qui veut cela, une référence au système pileux particulièrement développé de l’aimable cuisinière.)

La Dame terminant son pas de danse pachydermique, s’approcha de son « homologue féminin » en claudiquant. Une vieille blessure l’avait contrainte à prendre non pas chambre mais cuisine. Cela expliquait-il son caractère à nulle autre pareille et son comportement parfois extrême ? Seule une étude psychologique plus poussée du sujet eût pu permettre d’y répondre, et encore partiellement. Le mal n’était pas dans le corps, mais bien dans l’esprit. Les guérisseurs de l’âme pourrait peut-être y venir à bout…

Le poulet, toujours vivant dans la main de l’experte venait de faire un demi tour pour se retrouver dans l’autre pogne la tête en bas. Le volatile, maintenant eunuque, sembla se racler le jabot comme pour pouvoir hurler sa douleur. Il se retint, bien content de respirer à nouveau. Lui aussi n’en menait pas large.

Les paroles de Commandeur rampaient le long des murs et le page en profita pour ramper lui aussi et s’éloigner de son bourreau d’un jour. Il se leva tant bien que mal et salua Shantti. Elle venait de lui sauver la vie et dans les brumes toujours présentes de son esprit, il savait que le fil eût pu être coupé sans son intervention courageuse.

Dame Gironde arriva à quelques encablures de Shantti et elle savait que cette femme avait un grand pouvoir dans l’OSG, alors qu’elle n’avait de pouvoir que sur les poulets… et les pages qu’elle froissait parfois .

Ah ! Si cette blessure ne l’avait pas obligée à arrêter sa carrière dans les armes, elle aurait sûrement été à la tête d’une grande armée, d’une troupe farouche ou d’un groupe d’écumeurs…

Commandeur Shantti, je suis contente que vous soyez venue dans ma cuisine, enfin la cuisine de votre… notre Ordre. Je sais bien que ce lieu n’est pas comme celui que vous décrivez… Mais c’est que ce jeune ici n’est pas très doué de ces mimines. Je ne faisais que lui montrer l’importance d’une poigne ferme et ce en toute occasion. Mais rien de bien grave. Je suis sûre qu’il ira à l’entraînement avec bien conscient de ce fait.

Quant à ce beau poulet, je vais le remettre avec ses frères dans l’enclos. Pour lui, ce n’est pas grave non plus. Selon une bonne vieille recette de ma tante, en Bresse, une fois… comment dire… les attribut de masculinité enlevés, la chair ne s’en trouve que plus tendre.

Ses babines venaient de se retrousser alors que les mots venaient de quitter sa gorge. Sa langue, vraisemblablement râpeuse, vint les humecter avec l’envie goulue qu’une cuisse ou un aile du poulet ne croise à distance de ses canines affûtées. Puis, elle reprit la parole.

Dans deux ou trois semaines, après une consommation de lait mêlé au petit blé, non seulement sa chair sera tendre, mais elle sera toute blanche comme celle d’un nouveau né.

Au fait, je voulais vous entretenir sur les jeunes pages arrivés depuis peu. Maintenant que celui-là est formé à la découpe des animaux, ne pourriez vous pas m’en offr… fournir un supplémentaire. C’est que le travail ne manque pas avec toutes ses bouches à nourrir. Et puis, je les trouve faméliques pour la plupart. Je peux les remettre sur pieds en un claquement de doigts…

Puis elle jeta un regard qu’elle jugea quasi maternel vers le jeune page toujours apeuré malgré la présence du Commandeur.

Oh... temps suspend ton vol... pensait Shantti avec effroi. Evidemment, sa diatribe avait attiré l'attention de Dame Gironde, qui paraissait ravie de changer d'objectif à présent.
Elle enjamba le malheureux page qui ne dût la vie sauve qu'à un reflexe vital vieux comme le monde, la mise en position foetale. Ce geste, involontaire, lui permit d'éviter un contact trop direct avec le mollet et le talon de dame Gironde. Il s'en tirerait avec une estafilade sur la joue, qu'il faudrait sans doute désinfecter sérieusement.
Rassurée sur le sort du page, Shantti se mit brusquement à réfléchir à ses propres moyens de survie.
Son épée sur le côté... hum, non, sans doute pas. Elle tenait à la pureté de sa lame malgré le danger.
Fuir à toutes jambes dans le couloir, non, ça risquerait de nuir à son image. Elle était bientôt chevalier, malgré tout.
Seule option, faire front.

Dame Gironde se trouvait encore à quelques coudées et un plan sommaire prenait forme dans l'esprit du commandeur. Elle inspira profondement un air encore pur et en stocka une quantité maximale dans ses poumons. Elle rassembla la pile de parchemins qu'elle avait éparpillé et en fit un rouleau compact et serré. Tant pis si l'encre bavait ou que les factures étaient froissées.
L'alerte cuisinière était maintenant devant elle, agitant le pauvre volatile sanglant telle une massue sinistre à quelques centimètres de son plastron propre. Elle repoussa doucement le malheureux oiseau, mouchetant ainsi la note du menuisier pour la porte de la capitainerie.

Citation :: Je ne faisais que lui montrer l’importance d’une poigne ferme et ce en toute occasion. Mais rien de bien grave. Je suis sûre qu’il ira à l’entraînement avec bien conscient de ce fait.

- L'importance d'une poigne ferme... hum... évidemment, vu comme ça Dame Gironde, la chose prend une autre tournure... Puis-je toutefois vous faire remarquer...

Etourdiment, Shantti aspira une bouffée d'air, et dût reculer d'urgence de quelques pas pour éviter de tomber. Par tous les saints, il manquait quelque chose dans cette forteresse, des thermes ou un sauna ! Se reprenant rapidement, elle poursuivit courageusement.

- heu... vous faire remarquer qu'il faut que votre page survive à vos conseils, pour être en mesure de les appliquer...

Citation :: vieille recette de ma tante, en Bresse, une fois… comment dire… les attribut de masculinité enlevés, la chair ne s’en trouve que plus tendre.

- Ah oui ? vraiment ?

Jamais Shantti n'avait été plus heureuse d'être femme ! Son imagination échauffée ou peut être perturbée par les relents fétides se mit à galoper sur un chemin de traverse où elle imaginait Dame Gironde en galante compagnie... Shantti secoua la tête pour chasser ces images d'horreur et tenta de reprendre le fil de la conversation.

- mais...oui, enfin après tout, on castre bien les chevaux ou les taureaux, pourquoi pas les poulets, mais évitez d'avoir ce genre de pratiques sur les pages, même si certains ont besoin de s'étoffer.

Citation :: Au fait, je voulais vous entretenir sur les jeunes pages arrivés depuis peu. Maintenant que celui-là est formé à la découpe des animaux, ne pourriez vous pas m’en offr… fournir un supplémentaire.

Offrir... enfin, fournir un nouveau sujet aux expériences de Dame Gironde... Shantti frémit à cette idée. Quelle faute pouvait mériter pareille punition ? La haute trahison ? La couardise peut être ? Il faudrait sans doute mettre un nouvel article dans la charte, faire passer un vote au chapitre et soumettre chaque cas délictueux au vote à l'unanimité....et sans doute limiter cette punition aux seules écuyères, pour protéger la continuité de l'ordre et la descendence des autres.

- Heu... oui, et bien... voilà une décision importante à prendre et qui est plutot du ressort de la chancelière je pense...

Shantti eut une pensée émue pour la malheureuse Aalys, mais ses yeux venaient de s'égarer vers les dents de Dame Gironde, exposées dans une tentative de sourire. Les longues canines jaunes n'avaient rien d'engageant et que dire des chicots noircis entre lesquels des restes non identifiés tentaient vainement de se camoufler. Shantti était guerisseuse, et elle avait le coeur plutot bien accroché devant les pires blessures, mais là... pauvre Aalys.

-Je vais soumettre votre requête au chapitre... Peut être que l'écuyère Assoupe que vous avez déjà eu l'occasion de former... En attendant, je vais vous emprunter votre page. Le box de mon cheval a besoin d'être nettoyé et ils sont tous pris par l'entrainement de piquier.

Shantti avait complètement oublié ce qui l'avait amenée ici, et elle n'avait plus qu'une hâte, repartir se réfugier dans la pièce la plus haute du donjon.

Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 20/04/2007

D'un air désabusé, Dame Gironde regarda la femme qui se trouvait en face d'elle.

* Mais que peut bien lui trouver ce jouvenceau de Lord ? Elle est couleur de cuivre comme les ocres des terres du Nord et sa taille ne vaut pas mieux que celle de ces "vilaines" qui viennent du Sud.

Non ! vraiment non ! Elle n'a rien d'une femme digne de ce nom ! *

Ce faisant, elle continua de sourire, les yeux dans le vide, ce qui du reste devait être une seconde nature pour Dame Gironde. Elle s'imaginait, à l'ombre d'un saûle, pleurant peut-être d'être témoin de la scène. Lord, à demi-dévêtu portait à bout de bras la "belle cuisinière" avant que d'aller batifoler dans le courant d'une onde claire. Un oiseau doucement parachevait le tableau en gazouillant tendrement....

Heu ! Non ! C'était en fait un poulet qui venait de se tordre le cou entre les barreaux de bois de la grande cage. Et l'on dit que les animaux n'ont pas de conscience, mais celui-ci devait sûrement essayer d'écourter ses souffrances.

Dame Gironde repris conscience, si tant est qu'elle le puisse et se trouva nez à nez avec sa CONCURRENTE...

Sergent d'Arme Nombre de messages : 242 Date d'inscription : 21/06/2006

Shera en avait ras le bol d'être envoyé un peu partout. S'étant glissé discrètement dans les quartiers de Sieur Phaco, elle avait tout d'abord été surprise par le Maréchal Eddo qui l'avait envoyé à la tribune. Puis de la tribune, on l'envoyait à présent faire un plein en cuisine pour le rapport aux appartements impérial. Merci Mr le Commandeur Lord de ...

Hum ... s'arrêtant là au milieu de ses pensées, elle trouvait cela totalement dévalorisant. Encore un peu, et elle passerait pour une vraie servante. Cela commençait à lui taper sur les nerfs. En même temps, se rappelant qu'elle avait récemment tout perdu, et que l'OSG était le seul endroit pour le moment où elle pouvait manger et dormir, elle arriva en cuisine, prête à faire la connaissance de l'imposante Dame Gironde, dont on lui avait dit tellement de mal.

Hé ho y a quelqu'un ? je viens de la part du Commandeur ? il me faudrait qquelques victuailles et rafraichissements ...

Se tournant de part et d'autre, elle ne voyait pour l'instant personne, et s'approcha d'un plateau et des saucissons ...